3) Acid & Techno (1988-1989)

Fin 1987 déferle sur les côtes anglaises une gigantesque vague musicale venue de Chicago… l’Acid House.

Ce nouveau son, assez dur et au tempo rapide, se démarquait par l’utilisation d’une basse électronique saccadée, issue du TB-303, un synthétiseur/séquenceur fabriqué par la société Roland entre 1982 et 1983.
Créée par Tadao Kikumoto, la TB-303 (TB pour Transistor Bass) était à l’origine destinée aux guitaristes pour leur servir de basse d’accompagnement.

Assez vite quelques producteurs d’Italo Disco commencent à intégrer cette nouvelle machine dans leurs compositions, mais de façon assez discrète.
C’est seulement vers le milieu des années 1980 que des DJ’s américains comme DJ Pierre et Marshall Jefferson mettent en avant la TB-303 sur quelques tracks House, dans un style au départ très minimaliste.

Jouée à Chicago par des pionniers comme Ron Hardy, le style est finalement introduit en Angleterre fin 1987 par Danny Rampling et Nick Holloway, respectivement propriétaires des clubs ‘Shoom’ et ‘Trip’.
Assez vite le son Acid arrive en France. Même Dechavanne fera de Rock Da House (The Beatmasters) le générique de son émission Ciel Mon Mardi.

Les meilleurs maxis anglais sortent en pressage français et sont alors facilement disponibles sur les catalogues des majors.
A cette époque, je les commande auprès de mon petit disquaire de Paray Le Monial (71), pas vraiment branché Dance Music, mais serviable et compréhensif… deux qualités devenues rares de nos jours.
J’eus aussi la chance de dénicher à Londres en mars 1989, les titres que je n’avais pas réussi à trouver en France comme l’excellent Burn It Up des Beatmasters, avec ses piques de strings disco.

La vague Acid disparut presque aussi vite qu’elle était apparue mais en ayant le temps tout de même de produire quelques rejetons musicaux comme le New Beat, et l’Eurodance. Elle nous laissa également en héritage le symbole jaune du smiley Smile et le terme de Rave Party, plutôt associé aujourd’hui à la musique techno.

On retrouve sur plusieurs productions Acid, des DJ’s qui feront ensuite une carrière honorable dans la House vocale contemporaine comme DJ Pierre (l’un des pionners de l’Acid House avec son titre Acid Trax), Todd Terry et son Can You Party (Royal House) ou encore CJ Mackintosh aux scratches du mégatube Pump Up The Volume par M.A.R.R.S.

La plupart des pays d’Europe de l’Ouest surfèrent eux-aussi sur le courant Acid, avec quelques productions de qualité dont celle du regretté DJ hollandais Peter Slaghuis et son mega-hit Jack To The Sound Of The Underground.
Parmi les artistes les plus prolifiques de la scène Acid House anglaise on citera les Beatmasters, le duo Coldcut (avec Yazz aux vocaux), Bomb The Bass, et bien sûr le groupe S’Express de Mark Moore.


  
Hey Music Lover de S’Xpress atteignit en 1989 la 6ème place du top 40 anglais et fut sorti en France par Virgin sur 3 maxis distincts, chose plutôt rare à l’époque.
Sur le second vinyle figure le Spatial Expansion Mix⭐⭐⭐ de William Orbit, que je considère personnellement comme l’un des meilleurs remixes de tous les temps. Je le place dans mon top 10… parmi des milliers de remixes House écoutés depuis plus de 25 ans.
Ce mix condense en 8’32 une série impressionnante d’effets de delay, distorsion et autres flanger… un modèle du genre.
Les FX’s s’enchainent les uns après les autres dans un rythme de folie, le côté spatial du mixage est surpuissant. Des sonorités uniques allant de la House à la Trance, tout en laissant une place honorable à la partie vocale.

Ce morceau semble intemporel, inclassable, dépassant toutes les frontières du mix…
Encore aujourd’hui certains sons et effets sonnent irréels, extra-terrestres… 20 ans après, ce remix conserve ce côté novateur et pêchu, qui me plaisait tant la première fois que je l’ai découvert.
A l’écoute de cette version, on ne sera pas surpris que William Orbit ait fait ensuite la carrière prestigieuse qu’on lui connaît… tant son talent illumine ce pétillant remix que vous trouverez dans la sélection ci-dessous.


  
Parallèlement à l’Acid House, un autre style, venu de Détroit cette fois-ci, fit parler de lui en cette année 88.
Il s’agissait de la Techno du groupe Inner City.

La Techno de Détroit était dans ses origines assez proches de la House de Chicago, c’est à dire très minimaliste, assez instrumentale. Le beat était un peu plus rapide, la musique restait très électronique mais les morceaux laissaient une large place à la mélodie et parfois aux vocaux comme pour la House.

C’est en Allemagne, que la techno va plus tard se radicaliser, se durcir. Suppression des vocaux, accélération du rythme… La techno actuelle n’a plus rien à voir avec celle de Juan Atkins, Derrick May ou Kevin Saunderson, les fondateurs du mouvement de Detroit.

Inner City était donc estampillé techno à l’époque et le duo Kevin SaundersonParis Grey enchaîna les hits entre 88 et 90.

Leur premier single Big Fun atteignit la 8ème place du top 40 UK et le second Good Life fit encore mieux (#4).
En France, Inner City était également incontournable et je me souviens les avoir vu passer au club parisien Le Palace, dans ‘Lunettes Noires pour Nuits Blanches’ de Thierry Ardisson, (de loin sa meilleure émission).

La rythmique de Kevin Saunderson restait assez rapide, électronique et appuyée comme sur les productions Acid, mais la voix de Paris surpassait tout et donnait un côté mélodieux, presque Soul, au morceau.
N’oublions pas que Detroit est la ville du label Motown et Kevin Saunderson fut forcément imprégné de cette culture musicale très ancrée dans le Michigan.

La musique d’Inner City, en particulier le titre Good Life, représenta pour moi une sorte de transition entre le courant Acid anglais, très rythmé, plutôt instrumental et les styles mélodieux de Garage et Deep House que je découvris un peu plus tard.


  
A cette époque, j’étais en internat dans un lycée de la Loire. Comme nous restions parfois là-bas les weekends, l’école mettait à notre disposition pas mal d’activités, regroupées en ‘clubs’.
Il y avait les clubs sportifs ainsi que les clubs artistiques et culturels.

Parmi ces derniers, le Club Sono animé par les plus anciens (élèves de terminale) et qui avait pour mission d’organiser la sonorisation d’évènements comme la fête annuelle de l’école et surtout les soirées dansantes mensuelles.
Assez vite je me suis intéressé à ce club… au départ comme spectateur, puis en donnant un petit coup de main de temps en temps pour ‘monter’ la sono, déplacer quelques hauts parleurs, fixer quelques projos…

On organisait les soirées dans la grande salle polyvalente et croyez-moi, le son et l’ambiance n’avait rien à envier à quelques petites discothèques de la région.
Nous étions assez bien équipés en matos, avec une table de mixage de qualité (dont j’ai oublié la marque…), des amplis costauds, deux platines cassettes Pionner, un lecteur cd (Pionner également je crois) un égaliseur à bandes… seules les platines-disques Panasonic laissaient un peu à désirer.

En effet, nous n’avions pas de vitesse modulable pour le mix « beat to beat ». A cette époque, pas mal de boîtes mixaient encore au « fade in-fade out », enchaînement qui consistait à baisser progressivement le volume d’un disque et à monter parallèlement le volume du deuxième morceau.
La dextérité du Disc Jockey se limitait donc à une bonne connaissance de ses titres (durée de l’intro notamment…) et à un certain feeling des goûts de son public.

Un jour où j’aidais au montage de la sono pour une soirée, je prenais mon courage à deux mains et j’osais demander au DJ attitré (un élève en dernière année), s’il avait entendu parler d’une platine qui permettait de faire tourner le titre à l’envers (j’avais entendu faire çà sur une radio lors d’un concours).
Sans quitter des yeux son travail de branchement, le gars me répondait… « Ouais, je crois que la seule platine qui peut faire çà c’est une Technics SL-1200 ».

Technics SL-1200… je gravais dans ma mémoire cette suite de lettres et chiffres magiques comme on enfermerait une formule secrète au fond d’un coffre.
Sans l’avoir vu, je rêvais déjà de cette platine, sans savoir qu’elle était l’instrument mythique de tous les DJ’s pros de cette époque… plus qu’un instrument, une icône. Mais j’y reviendrai plus tard.

Alors que j’arrivais à 18 ans en terminale, j’accédais à mon tour aux commandes du Club Sono.
Non seulement je savais monter tout le matériel, mais j’avais aussi la charge de mixer quelques soirées. Lors de ma dernière année à Ressins, j’ai notamment organisé plusieurs nuits dansantes à l’école, en étant seul aux platines.

Ces « Dance-Parties » duraient 3 heures et demi, quatre heures. On ouvrait la salle à 21 heures tapante, avec une musique d’ambiance… petit à petit la piste se remplissait… et les amplis tournaient enfin à « donf » vers 22 heures. A 0h30, les surveillants venaient nous demander de terminer la soirée… on bouclait tranquillement autour d’1h00 du matin.

Là, en écrivant ces lignes, je me sens nostalgique… les souvenirs enfouis resurgissent à la surface avec toute l’émotion liée à cette époque de ma vie. C’était le bon temps… comme disent les anciens 🙂

Lors des soirées où j’étais aux manettes j’essayais d’être le plus éclectique possible, en jouant tous les styles musicaux.
Pop française, étrangère, New-Wave, Synth Pop, Hard-Rock… vieux titres de Funk, nouveautés Dance, quelques morceaux d’Acid House même. Il en fallait pour tous les goûts…

Je me souviens notamment d’une soirée que j’avais préparée plusieurs semaines à l’avance, en allant chercher des cassettes chez plusieurs étudiants de l’internat et en préparant mes enchaînements.
Ma programmation cette nuit-là n’avait rien laissé au hasard et je reçus après la soirée les félicitations de plusieurs de mes camarades, ce qui m’encouragea à continuer dans cette voie, persuadé que la musique serait pour moi beaucoup plus qu’une passion de jeunesse.

Les années qui suivirent allaient confirmer ce sentiment…

  
1) Influences (1982-1987)
2) SAW Productions (1987-1988)
3) Acid & Techno (1988-1989)
4) NRJ Years (1989-1995)
5) Only For DJ’s (1995-1999)
6) MAO & Internet (1999-2005)
7) Mix Collectors (2005-2020)
 

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